La Beauté intacte du vin nature
Cette démarche respectueuse de la terre et des hommes a séduit le jeune sommelier Guillaume Darblay, qui met à l’honneur les vins natures dans sa cave et à la carte du restaurant Huîtres et Saumons de Passy.
Pour toi, qu’est-ce qu’un vin nature ?
En matière de vin, il y a deux écoles : ceux pour qui c’est une marchandise dont il faut tirer profit, et ceux pour qui c’est le produit d’une passion. Parmi eux, certains gèrent des exploitations à taille humaine où ils travaillent de leurs mains et laissent le raisin fermenter naturellement, sans y ajouter de chimie, pour produire du vin nature. En se limitant aux levures présentes dans l’air et sur les raisins, on s’assure que l’âme du terroir soit conservée jusqu’à la mise en bouteille, sans rompre la chaîne de vibrations qui garantit au vin ses qualités organoleptiques. Cette méthode de production, couplée avec un savoir-faire vinicole, permet de transmettre le meilleur de la nature, sans artifices.
Qu’est-ce qui fait la beauté du vin ?
Tout commence avec de belles vignes ! Quand elles sont enherbées, un écosystème vivant s’y développe, à l’opposé des exploitations industrielles où rien ne bouge. Les caves sont des lieux magiques, comme celle de Patrick Corbineau à Candes-Saint-Martin, dont les fûts sont couverts de champignons au lieu d’être aseptisés. Une fois servi, le vin se goûte aussi avec les yeux. La couleur d’un jus, sa texture, c’est magnifique ! Enfin, je pense au travail de Philippe Brand en Alsace, qui reproduit sur ses bouteilles des calligrammes d’Apollinaire car il voit un lien entre la beauté de la poésie et l’énergie du vin.
Comment as-tu découvert le vin nature ?
J’ai commencé à m’intéresser au vin en 2012 chez Semilla, dont le patron, caviste, organisait des rencontres avec des vignerons. Je passais mes journées à les interroger et à déguster leurs vins. J’avais tout à apprendre ! Puis j’ai découvert le vin nature : ses goûts sont si variés, rien à voir avec le conventionnel bridé dans son potentiel aromatique par la chimie. La première fois où j’ai senti dans un verre de vin l’odeur du jus de tomate, de l’ananas frais ou de l’huile de sésame, j’ai halluciné ! C’est ce qui m’a poussé à lancer le wine truck itinérant Les Avinturiers. Avec Élise Doàn, nous avons parcouru la France à la rencontre de producteurs adoptant cette éthique de travail alternative.
Le vin nature est-il un retour aux origines de la viticulture ?
Renouer avec un ancien mode de culture ne veut pas dire se priver des avancées très bénéfiques de l’œnologie. Il y a un siècle, les vignes étaient certes plus saines mais le vin était plein de défauts ! Moins le vin est traité, plus il faut de connaissances en vinification. L’approche naturelle nécessite de comprendre son terroir, plutôt que de vouloir le maîtriser.
Est-ce vrai que le vin nature vieillit mal ?
Non, j’ai bu des vins natures extraordinaires qui dataient des années 80 ! Le but est d’atteindre le potentiel maximal du vin, pas de le faire vieillir à tout prix. Si le vin est décharné, il lui faudra du temps pour se nourrir. À l’inverse, un vin vivant évoluera plus vite. Mais attention à la recherche de perfection ou d’immortalité, elle mène droit à la standardisation.
Comment inities-tu ta clientèle au vin nature ?
La dégustation est une affaire de sensations, il ne faut pas s’y connaître pour apprécier un vin, quel qu’il soit. En tant que sommelier, je veux faire découvrir un produit auquel je crois, en respectant les goûts de chacun. Le problème est que le vin n’est pas considéré comme un produit alimentaire, mais de luxe, ce qui le rend opaque. Si on était tenu d’afficher sur l’étiquette tout ce que contiennent les vins conventionnels, les gens n’en boiraient plus ! Mon rôle est donc d’informer et de donner l’envie d’apprendre.