L comme Lampe
L’évolution des formes des lampes est autant liée à celle des techniques qu’à la charge symbolique qu’elles portent. Le soin apporté au détail, la manière dont elles sont traitées, leur langage indirect, exprime notre rapport au sens caché de la lumière.
Torches, lampes à huile, phares, sémaphores, incandescences et désormais la Led.
Utiliser une lampe c’est reproduire une partie de la lumière cosmique qui nous relie au feu primordial.
Comment faire naître la lumière dans l’obscurité, celle qui nous permet de voir, et par quel moyen porter sa source pour l’amener à éclairer ?
La lampe c’est la conscience, l’espoir, symbole de commémoration.
Église, synagogue, mosquée ou lumière dans la forêt.
À mesure que la technologie s’est démocratisée, l’humain a augmenté son territoire au-delà des frontières de la nuit et son temps disponible à l’étude, à la réflexion, à son bien-être comme à sa vie sociale.
Plus il a su projeter le jour en tous lieux, plus il s’est progressivement désolidarisé de la nature, de son cycle et de ses contraintes, devenant « propriétaire de la nuit ».
Les premières lampes à huile représentent le corps du nouveau-né avec au cœur le fluide et la flamme qui en jaillit : son âme, L’esprit divin qui brûle en lui.
Plus récemment, dans une économie de moyens remarquable, Jean Prouvé, Achille Castiglioni ou Gino Sarfatti ont su apporter à l’ampoule électrique une dimension symbolique et humble en la mettant à nu, recréant un lien inconscient chez l’utilisateur avec ce miracle essentiel dépourvu d’emphase.
Les lampes d’atelier (Gras, Jielde) nous rappellent un monde disparu et sculptent l’espace par leurs bras articulés et leurs diffuseurs fonctionnalistes.
Les lampes d’extérieur sont les gardiens du temple, les sémaphores nous rassurent en même temps qu’ils nous éclairent. Chez Noguchi, la lampe devient veilleur du foyer. Selon lui, “la magie du papier retransforme l’électricité froide en la lumière originelle – le soleil – afin que sa chaleur puisse continuer à remplir nos chambres la nuit”. .
Les créations lumineuses d’Ingo Maurer innovent sont des innovations technologiques et poétiques. Comme la montre bracelet qui contient le mouvement du temps, ses lampes sont des portes pour l’esprit qui s’ouvrent sur d’autres strates de conscience. Enfin, avec Jasper Morrison ou Konstantin Grcic, les LED reproduisent de disque solaire ou lunaire et l’invoquent jusque dans le foyer. La boucle est bouclée.
Loin de ces approches sensibles qui ré-inventent l’objet sans le déconnecter de sa symbolique, la plupart des lampes actuelles projettent une image déco, high tech bon marché, sophistiquée qui renvoie l’image d’un monde lisse et préfabriqué.
Par la richesse de ses ingrédient la lampe est un témoignage de notre époque et de nos croyances.
C’est ce qui en fait un objet complet, souvent détestable, bâclé ou obscène mais parfois sublime.