Y comme Yole
La yole ronde est un type de barque à voile fabriquée sans aucun plan par quelques charpentiers Martiniquais qui transmettent oralement leur savoir-faire.
Sa coque d’environ neuf mètres de long est dépourvue de quille. Sans ce contrepoids la barque est instable sur l’eau mais très rapide. Grâce à son fond plat, en revanche, elle peut être tirée sur le sable.
Pour naviguer, les martiniquais ont inventé un principe de contre -poids en plantant des avirons de bois pour déporter leur corps du centre de gravité de la yole.
Suspendus au-dessus de l’eau, à pleine vitesse, ils ressentent pleinement les éléments et la fragilité de cet équilibre.
Indispensable à leur survie, la synchronicité de leurs mouvements se transforme en un ballet. Seule la force humaine appliquée au bon endroit, au bon moment permet de conserver l’équilibre. De bâbord à tribord ils déboitent puis recalent leurs mats de bois puis se hissent dessus pour stabiliser le navire quand, anticipant un changement de bord, ils se jettent de l’autre côté.
La yole esthétiquement parlant oscille de la radicalité à la douceur. Ses formes suivent des besoins élémentaires : la rondeur de son ventre pour basculer d’un bord à l’autre, la verticalité de l’étrave pour trancher les vagues et sa voile, carré pur qui se détache magnifiquement du ciel ou de l’océan.
L’objet est gracieux, agile dans son déplacement. Il répond parfaitement à chaque contrainte. Comment l’idée de ces Bwa dressés est-elle apparue ?
Est-ce en jouant avec un squelette d’un poisson et le déséquilibre créé par la pression du doigt à l’extrémité ou plus simplement par réflexe en calant les avirons dans une des structures intérieures de la coque ?
Quintessence de la navigation à voile et reconnue comme une invention majeure, la yole est aussi un symbole de partage.
D’ailleurs en Martinique, sa pratique sportive a dépassé l’exploit physique et atteint une autre dimension à la fois identitaire et philosophique.
Le concept yole a su évoluer tout en conservant l’essentiel : l’utilisation de l’humain comme un élément fonctionnel à part entière.
Sa longévité, sans automatisation, est sans doute due à la beauté de la gestuelle qu’elle requiert.