Bienvenue en PSYPEAULOGIE (Part I)
La peau est un organe très complexe… un écosystème qui s’adapte en permanence à l’environnement extérieur (soleil, vent, pollution, froid) mais aussi à notre état intérieur (hérédité, alimentation, tabac, humeur, sommeil, santé, stress, hormones…) Ainsi, votre peau est unique : elle reflète vos émotions, votre environnement, votre intimité. Alors, allongez-vous sur le divan et faites connaissance avec votre peau : les liens qu’elle entretient avec votre psyché ( part 1), le rôle du microbiote et pourquoi il est important de composer votre programme de soins comme un accompagnement de celle-ci (part 2).
Votre peau et vous… vous vous fréquentez depuis toujours… et elle vous connait par cœur ! Vous croyez peut-être très bien la connaître, même si parfois vous pensez qu’elle vous joue des tours. Mais finalement, que savez-vous d’elle ?
La peau : votre 3ème cerveau
Votre peau est un organe incroyable : sa surface de 2m2 en fait votre plus grand organe après les intestins et elle pèse 15% de votre poids. Faites le calcul : pour un poids moyen de 60kg… c’est quand même 9kg de peau !
Son épaisseur peut atteindre un centimètre et est composée de trois couches complémentaires. La première est visible à l’œil nu, vous la scrutez tous les matins : c’est l’épiderme. Il nous protège du froid, des rayons du soleil et des agressions extérieures. Ce tissu vivant, aussi fin que résistant, se renouvelle tous les vingt-huit jours en moyenne. Il perçoit les sensations, grâce à ses terminaisons nerveuses, et synthétise la vitamine D sous l’action des rayons solaires. La deuxième, se trouve le derme, dont les fibres donnent à la peau sa souplesse et sa fermeté. C’est là que naissent les glandes sébacées qui produisent le sébum et les glandes sudoripares qui fabriquent la sueur. La transpiration est une fonction essentielle pour l’organisme. Elle se déclenche dès que la température extérieure dépasse celle du corps ou que la température intérieure augmente, à cause d’un effort physique, par exemple, ou bien… du stress et assure ainsi la thermorégulation de l’organisme. Enfin, plus en profondeur, se situe l’hypoderme qui fait office d’isolant thermique et amortit les chocs entre la peau et le squelette.
Ce qu’il y a de plus profond dans l’Homme, c’est la peau
Paul Valery
Sur cette peau vit un monde incroyable !
Nos deux mètres carrés de peau sont recouverts de cinq millions de cellules sensorielles ce qui constitue un immense récepteur de sensations qui vont littéralement s’inscrire sur notre peau comme une surface de mémoire, tout au long de notre vie. C’est elle qui reçoit les premières caresses des parents – ce toucher est essentiel et structurant -. C’est elle aussi qui reçoit les coups, qui mémorise à un certain niveau les blessures. Elle nous relie même à notre mémoire fœtale puisque peau et cerveau ont tous les deux la même origine embryologique !- l’ectoderme- et se forment en même temps, au vingt et unième jour du développement de l’embryon ( trois feuillets sont formés au cours des stades précoces de l’embryogenèse : l’endoderme, l’ectoderme et le mésoderme)
Notre peau est en réalité en lien avec notre inconscient . Elle nous permet de nous construire et de nous identifier dans notre individualité, de nous relier à nous-mêmes. Elle donne la conscience de soi.
L’étape du “moi-peau”
“La peau reçoit, la peau transmet. La peau vibre et la peau vit”. La peau reflète nos émotions. C’est ce dont est convaincu le psychanalyste Didier Anzieu, qui a écrit “Le Moi-Peau” en 1974, date à laquelle la psychanalyse a commencé à s’associer à la dermatologie.
Sa thèse : notre personnalité se façonne d’abord par une prise de conscience de notre peau, de cette limite dans l’espace de notre identité. En effet, l’image que nous avons de nous-même prend forme – au sens concret du terme – lors des communications peau contre peau entre le bébé et ses parents : c’est ce fameux “moi-peau”, une étape du développement qui va permettre à l’enfant d’accéder à d’autres stades de son évolution psychique, puis à la sexualité.
Ensuite, tout au long de la vie, la peau continuera de refléter les hauts et les bas de notre vie intérieure : le visage rougira sous l’effet de la colère, pâlira sous celui de la peur, le bonheur se lira sur un visage éclatant, alors qu’un teint toujours gris laissera présager un état dépressif.
La peau construit notre l’identité
On peut émettre l’idée que nous existons uniquement au travers de la relation. La peau qui nous enveloppe et nous contient nous permet d’entrer en contact avec le monde extérieur. Elle est à la fois récepteur et transmetteur des informations sensorielles nécessaires aux régulations internes (thermiques, motrices…) du corps en interaction avec l’environnement.
De nature biologique ou psychique, le concept de peau peut être pensé comme une interface articulant deux systèmes entre eux par exemple l’homme et la réalité extérieure et organisant leurs échanges. C’est par la peau que l’individu entretient une relation avec ce qui l’entoure et régule continuellement ces échanges.
La peau est le seul sens à recouvrir tout le corps, elle-même contient plusieurs sens distincts (chaleur, douleur, contact, pression…) c’est également le seul des cinq sens externes à posséder une structure réflexive : l’enfant qui touche du doigt les parties de son corps expérimente les deux sensations complémentaires d’être un morceau de peau qui touche, en même temps que d’être un morceau de peau qui est touché.
Votre peau parle pour vous
Les dermatologues, tout comme leurs patients, savent depuis longtemps que les maladies de la peau affectent le bien-être émotionnel et mental et, par extension, la qualité de vie. Inversement, les maladies de la peau peuvent aussi être affectées par divers états mentaux négatifs.
De fait, les dermatoses signalent la plupart du temps un autre mal en arrière-plan. La peau se retrouve alors affectée par un trouble qui touche un autre organe du corps.
On distingue deux types de dermatoses :
– Les ‘boomerangs’ qui se forment par réaction à une cause externe – typiquement, l’allergie aux poils de chats qui déclenche une crise d’urticaire.
– Les ‘icebergs’ qui révèlent un problème à l’intérieur du métabolisme.
Il est classique, aujourd’hui, de considérer que les poussées de psoriasis, d’herpès, d’eczéma ou d’acné sont favorisées par le stress et la contrariété. Le docteur Danièle Pomey-Rey, dermatologue et psychanalyste à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, estime que 80 % des maladies de peau ont une origine psychologique : « Celui qui en est atteint est quelqu’un qui a beaucoup de choses à dire, mais qui n’y parvient pas. Il parle alors avec sa peau. »
Notre épiderme semble posséder son propre langage, chargé de relayer tous les non-dits de notre vie. Et depuis, les informations ne cessent de circuler entre eux… Un stress ? Une émotion ? Le système nerveux va traduire cette information en un langage biochimique, via les neuromédiateurs. Ceux-ci agissent alors sur la peau de telle sorte qu’ils peuvent induire – ou guérir – une maladie cutanée. Ainsi, nous sommes tous susceptibles de développer des allergies ou de voir nos cheveux tomber à la suite d’un choc affectif. Le plus souvent, un traitement aboutit à la guérison. Parfois non. « C’est le degré d’angoisse qui fait la différence », pense Danièle Pomey-Rey.
On sait maintenant que les neuromédiateurs – ces messagers chimiques circulant entre peau et système nerveux exercent une influence tant sur l’épaisseur des tissus que sur la fabrication du collagène et du sébum, sur la pigmentation de la peau ou sur sa réponse immunitaire.
Donc, OUI, toutes les pratiques qui concourent à diminuer votre stress et apaiser votre mental : de la méditation au running, de la danse à l’écriture d’un journal, du Taï-Chi à la lecture, vous aident à conserver ou obtenir une jolie peau saine.
Dans le chapitre suivant, nous allons aborder les mystères du microbiote cutané, cette sorte de gigantesque empreinte digitale qui englobe toute notre corps.
Sources : D. Anzieu (Cf. D. Anzieu, Le Moi Peau, Dunod 1985), Mémoire de fin d’études Manon Chort / Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence Jean-Loup Dervaux, “Les Maladies de la peau” (éd. Dangles) Laurent Misery, “La Peau neuronale ou les nerfs à fleur de peau” (éd. Ellipses). Danièle Pomey-Rey, “La Peau et ses états d’âme (Hachette Littérature)”