T comme Tensiomètre
Les designs des outils de mesure médicaux ou militaires sont étudiés avec soin. Le design des cadrans de compteurs d’avion et des premiers nanomètres est pensé pour fluidifier la lisibilité de l’information afin de garder l’utilisateur concentré sur sa tâche. Rien n’y est mis qui puisse distraire : typographie des chiffres, épaisseur et graisse, couleurs des aiguilles, composition ou hiérarchisation des informations, contraste.
Une rigueur qui traduit la responsabilité des concepteurs. Il en résulte des compositions graphiques de grande qualité. Les sphygmomanomètres ou tensiomètres manuels sont apparus en 1907 pour mesurer la tension artérielle de manière non invasive. L’histoire raconte que ce fut l’industriel alsacien Émile Spengler qui inventa ce procédé avec l’aide des cardiologues Vaquez et Laubry pour soigner sa femme. Né d’une histoire d’amour, le tensiomètre a contribué à sauver de nombreuses vies dans les conflits qui ont suivi. Totalement autonome et durable, il est utilisé en tous lieux. Progressivement, la technologie remplace son cadran à aiguille par des écrans numériques, mais les générations de médecins qui ont appris son usage y restent attachées. Ce qui les lie à l’objet n’est pas sa forme mais la gestuelle, le contrôle, la sensibilité, la proximité avec le patient et peut-être sa symbolique – le sceptre du soignant, l’objet du sachant.
Bateaux, avions, automobiles, médecine : la disparition des nanomètres est bien entamée et avec elle l’écrasante production de systèmes électroniques. Parmi ces évolutions, avec les contraintes énergétiques qui s’annoncent, le cadran à aiguille autonome du sphygmomanomètre n’est peut-être pas prêt de donner sa dernière mesure.