S comme Synthétiseurs 

Ces objets, ressemblant à des boîtes, sont manipulés par les musiciens à travers des boutons et, dans le cas des claviers, ces mêmes boutons commandent d’autres systèmes. 

Si ces formes rationnelles, nées de la rencontre entre les mathématiques, la physique et la musique, peuvent sembler froides et mécaniques, la chaleur et l’humanité qui se dégagent de leur utilisation peuvent être sans égal.  

Tout comme les mathématiques, qui sont un moyen de comprendre notre monde, la musique nous permet d’exprimer l’indicible par une forme abstraite et fugace. Il est fort possible qu’elle soit apparue avant le langage. 

De ce besoin vital sont nés des outils, la sophistication des instruments, la musique est devenue une affaire de spécialistes. Nous avons exploré toutes les frictions de l’air (qui produisent les sons) par notre souffle, en frottant, en frappant ou en pinçant.

Mais en parallèle, dès l’Antiquité, on retrouve les traces d’automates musicaux. En 1959, le musicologue Alexander Buchner raconte, dans son livre Vom Glockenspiel zum Pianola, « Jouer d’un instrument de musique demande toujours une certaine habileté et un certain don musical qui ne sont pas à la portée de tout le monde. C’est pourquoi, depuis les temps les plus anciens, l’humanité a souhaité et tenté de mécaniser les techniques de jeu et aussi de construire un instrument de musique qu’on puisse maîtriser sans avoir ni adresse particulière ni formation musicale préalable. »

Les synthétiseurs sont la continuation de cette recherche ancestrale. Dès le début du vingtième siècle, des artistes quittent le champ des instruments traditionnel pour de nouvelles expérimentations sonores : générateurs électriques, concerts de cheminées d’usine, hélices d’avions, objets cassés, collages, violons à électrophones, pianos préparés, orgues de barbarie…

Apparaissent alors les premiers instruments électroniques qui cherchent à reproduire des sons classiques. Le plus remarquable est le Theremin. Sublime par sa musicalité mais aussi par sa forme. Son design exploite pleinement le potentiel de cette nouvelle technologie et s’affranchit totalement des codes classiques de l’instrument de musique en changeant la gestuelle.

Ce divorce entre classicisme et free-music est une réappropriation populaire (bien qu’encore élitiste) de ce besoin fondamental de s’exprimer par les sons tout comme à la préhistoire. En effet c’est une reconnexion avec cet instinct primaire, non plus en frottant des écorces, des rochers ou en soufflant dans des os mais avec des outils contemporains.

Une nouvelle brèche est ouverte. Désormais l’’instrument électronique apporte une variété infinie de sons. Les musiciens s’en emparent, non plus pour rivaliser de virtuosité, mais pour saisir l’insondable profondeur de l’existence et de nos mondes. L’abstraction sonore, la perte de repères instrumentaux et la simplicité d’accès permettent à certains artistes de créer des œuvres puissantes et nouvelles.

Des Residents à Lucio Battisti, Brian Eno ou Kraftwerk, cette musique synthétique d’une immense sensibilité touche à l’intemporel.