Céramiques, ces beautés accidentelles
Depuis 2015, Marie Mo développe à partir d’émaux artisanaux des séries d’objets en céramique aux nuances de couleurs imprévisibles et uniques. Alchimie des temps modernes, la céramique est pour elle l’art de se laisser surprendre par le travail du feu sur la matière. Une quête esthétique et philosophique qu’elle nous partage.
Comment as-tu découvert la céramique ?
La création artistique a toujours été importante pour moi. J’ai commencé par l’illustration puis je me suis tournée vers la poterie pour pouvoir projeter dans l’espace mes réalisations. Sa dimension utilitaire m’a plu, je pouvais exprimer ma créativité tout en fabriquant quelque chose d’utile au quotidien. Travailler la terre est une expérience incomparable : sa mémoire de chaque geste nous oblige à beaucoup de technique, et en même temps la matière est traversée par nos émotions. Selon mes humeurs, elle réagit différemment.
Qu’est-ce qui t’a convaincue d’en faire ton métier ?
Je me suis reconvertie dans la céramique pour l’immensité de ce que je peux y apprendre. Produire une pièce nécessite tellement d’étapes, avant et après-feu. Le façonnage, avec de nombreuses techniques comme le tour, le modelage, le moulage. Puis le monde de l’émail s’ouvre à toi, avec ses couleurs, ses ingrédients, ses superpositions et ses combinaisons infinies ! Enfin, la cuisson demande une grande maîtrise. Si ton four est électrique, au gaz ou au bois, la palette de teintes que tu peux obtenir sera totalement différente. Pour moi, la beauté de la céramique naît des accidents, des réactions imprévisibles qui se produisent à chaque cuisson et qui me fascinent.
Quel est ton état d’esprit au quotidien ?
Ce que j’aime dans mon métier, c’est qu’il me fait passer par des phases très différentes. Au début, il y a un temps méditatif, celui de l’exploration où je teste énormément de choses, je bidouille sans me soucier du résultat. Puis, je me lance dans la production : une étape euphorisante où l’on s’active en mettant son cerveau en pilote automatique. Pour en arriver à l’instant magique, celui qui captive tous les potiers : l’ouverture du four ! Mon processus de fabrication étant très artisanal, je ne sais jamais à quoi m’attendre.
Quelle est ton approche de la création artisanale ?
Je débute toujours une série d’objets en partant de leur fonction. Je veux que mes créations puissent servir tous les jours, pas qu’elles restent en vitrine. L’usage doit primer sur l’esthétique. Si l’anse ou la lèvre d’une tasse est trop large, elle finira au fond du placard ! Avec le temps, je m’intéresse aussi davantage à la manière de produire qu’à l’objet fini. J’en viens à repenser l’usage de certains minéraux comme le cobalt, employé pour créer les teintes de bleu et dont on sait aujourd’hui que son extraction est problématique sur le plan environnemental et humain. Je travaille donc à m’en passer pour mes futures collections.
Pourquoi as-tu choisi d’utiliser des matériaux recyclés pour émailler tes pièces ?
J’ai été formée par Joseph Larter, un potier situé près d’Angoulême qui réalise lui-même ses émaux en partant de la nature. Le savoir-faire qu’il m’a transmis me pousse à vouloir m’approcher de la vérité, à comprendre les réactions chimiques qui se produisent à la cuisson. Quand j’utilise des billes, des bouteilles de bière ou de la cendre de cheminée, j’explore le travail de la chaleur sur la matière.
Que penses-tu de l’engouement actuel pour la céramique ?
C’est génial ! La tendance permet d’ouvrir le débat sur le prix juste d’une céramique. En découvrant l’univers d’un potier sur Instagram, on réalise le travail qu’une simple assiette requiert et on valorise la qualité des objets dont nous nous servons tous les jours. C’est une façon de s’éveiller à cet artisanat, qui a été oublié au profit d’objets produits à la chaîne et sans âme, de rapprocher l’objet de celui qui le produit. Savoir que quelqu’un a passé du temps à façonner de ses mains un mug donne une autre saveur au café du matin !